Church of Euthanasia

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"Thou shalt not procreate"

The Four Pillars:
suicide · abortion
cannibalism · sodomy

Human Population:
SAVE THE PLANET
KILL YOURSELF




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CHRIS KORDA — ALEXANDRE BRETON
Entretient1 du 10 avril 2021
au cours de « Egon.a ( La Poignée )2 »via Zoom.us.

« Pourquoi des poètes en temps de détresse ? » interrogeait Friedrich Hölderlin dans son hymne de 1800, « Pain et Vin ». Deux siècles plus tard, à l’heure des catastrophes écologiques à répétitions aux conséquences humaines, sociales, économiques et politiques multiples, et de l’essor effrayant des pseudo-théories complotistes qui, tantôt détournent de l’urgence, tantôt exacerbent le sentiment d’impuissance, la question est loin d’être un simple héritage littéraire. Pour Chris Korda, artiste multimédia, développeuse de logiciels et militante transgenre américaine basée à Berlin, la réponse est définitive : elle a, en tant qu’artiste, une responsabilité immense, bien au-delà de ce que diagnostiquait le poète romantique. A l’instar, peu ou prou, des Futuristes, Dadaïstes ou Situationnistes avant elle, Chris Korda défend un art qui s’implique dans l’urgente réflexion sur les modalités d’un sauvetage de l’humanité, dont l’extinction n’est désormais plus un mythe. C’est le « monde de la fin » dans lequel l’art a sa partie à jouer. Finie la métaphore, finies les esthétiques déshistoricisées complices d’un réel qu’elles fuient, fini le conceptualisme, avatar d’une religion de « l’art pour l’art » opérant comme sédatif. La fondation, en 1992, de l’“Eglise de l’Euthanasie”, incarnation du courant antinataliste dans lequel s’inscrivait déjà l’artiste, en était l’un des actes concrets auquel répondait le slogan de son premier album, publié en 1993, « Sauvez la planète, suicidez-vous ! ». Celui-ci perpétuait alors la tradition de l’humour grinçant, macabre, dans l’esprit de DADA. Depuis, le combat s’est affiné, les revendications se font plus littérales, up-in-your-face, face à une situation mondiale sans équivalent historique, ne laissant plus aucune place à l’humour potache : les jeux sont faits, seule compte désormais la vérité scientifique, qu’il s’agit de relayer, de marteler. La survie de l’espèce est à ce prix, et l’art doit en être l’auxiliaire. La conversation que nous proposons ici a eu lieu à l’occasion de la nouvelle éruption Egon.a, « La Poignée », organisée sur Zoom le 10 avril 2021 par Sarah Cassenti. La pandémie de la Covid-21 avait alors rendu désertes les rues et places d’un monde pétrifié sous une chape de silence particulièrement anxiogène.

Alexandre Breton : Que vous inspire notre époque, marquée par une terreur nouvelle, celle de la fin du monde ?

Chris Korda : Je voudrais éviter de répondre quoi que ce soit d’irresponsable ou qui pourrait être mal compris. Je l’ai déjà dit, mais l’art n’a pas l’obligation d’être responsable ni même utile. Mais dans le domaine de l’idéologie et du discours politique, il faut être responsable et constructif, particulièrement à notre époque où les gens sont très sensibles. Quand vous parlez de fin du monde, à quoi faites-vous réellement référence ? Faites-vous référence à la fin de la civilisation humaine, au sens biologique ? Je trouve souvent que c’est un point de grande confusion. De ce point de vue, beaucoup de gens ont mal compris mes travaux antérieurs, qui étaient néo-dadaïstes et influencés par le situationnisme, donc provocateurs et incendiaires. Prenons l’exemple de mon slogan « Sauvez la planète, suicidez-vous ». Ce que beaucoup n’ont pas compris, c’est qu’il s’agissait d’une sorte de blague ironique : la planète n’est pas en danger, il n’y a vraiment aucun danger, pas seulement pour la structure géologique de la Terre, mais même pour le système vivant sur Terre, etc. Et si, comme beaucoup de scientifiques l’ont souligné, l’humanité venait à disparaître, la plupart des espèces en bénéficieraient. Plus sérieusement, le problème ne concerne pas la Terre mais la civilisation humaine. Je suis scientifique de formation, et d’orientation pragmatique. A mon avis, nous devrions passer moins de temps à débattre de la réalité, de ce qui est réel ou ne l’est pas, car c’est du temps perdu. Les problèmes à résoudre, eux, sont bien réels. Et si nous ne parvenions pas à les résoudre, notre histoire serait tout simplement terminée. Je pense que ce raisonnement est une sorte d’antidote à ce que j’appelle le « solipsisme épidémique ». Le solipsisme est un système de croyances dans lequel les gens ont le sentiment de créer leur propre réalité. C’est tout simplement une vision absurde. Nous avons beaucoup de travail devant nous, nous avons fait de grands progrès et l’humanité a certainement une meilleure compréhension de l’univers qu’avant, mais nous sommes loin d’être une espèce à longue durée de vie, et tout porte à croire que si nous ne parvenons pas à nous développer dans les 50 à 100 prochaines années, l’expérience humaine touchera son terme. C’est de cela que parlait mon dernier album, “Apologize to the Future”. Je veux que l’expérience humaine ait un futur. Mais beaucoup de gens m’ont mal compris et ont pensé que j’étais une sorte de néo-primitiviste. Dans les années 1990, lorsque l’Unabomber3 était encore actif, je m’y intéressais, mais je ne sympathise pas avec les néo-primitifs. Je ne veux pas voir la civilisation se détruire.

A. B. : Beaucoup de personnes, ici, connaissent peut-être mal votre travail. Pourriez-vous nous le présenter en quelques mots ?

C. K. : Ce que je suis avant tout, c’est un inventeur et un compositeur. J’ai passé trente-cinq années en tant qu’ingénieur, principalement dans le domaine de l’architecture logicielle informatique. Pour utiliser l’analogie avec la Matrice, on pourrait dire que, dans une petite mesure, j’ai contribué à l’architecture de la Matrice. Et je me sens bien à ce sujet, j’aime la Matrice, je suis pour la civilisation technologique. Cette capacité à programmer des machines s’est croisée avec mon travail artistique. Par ailleurs, j’ai été musicien toute ma vie et plasticien pendant une autre grande partie. Tout mon travail est étroitement lié aux technologies, en particulier dans le domaine de la fabrication de mes propres outils logiciels. Mon idée est que si vous voulez créer un art différent de celui des autres, vous feriez mieux de ne pas utiliser les outils produits en série que tout le monde utilise, mais plutôt de créer les vôtres propres afin d’explorer des espaces inconnus. A cet égard, le type d’artiste le plus proche de moi est l’inventeur et plasticien Thomas Wilfred. Il vivait au début du siècle passé. Très peu de gens le connaissent. Il pratiquait un art sculptural fondé sur la lumière, alors que l’électricité était encore une invention très récente, autour des années 1900-1910. Son œuvre est une grande source d’inspiration pour moi, je l’ai découvert alors que j’étais encore enfant. A la fin de sa vie, il réalisait ce que j’appellerais l’art de longue durée, le « phase art ». C’est un art qui exploite le phasing. Pensez aux planètes. Nous avons de nombreuses planètes en orbite autour du Soleil, et elles vont toutes à des fréquences différentes, elles interagissent les unes avec les autres et forment des schémas d’intersections, de convergences et de divergences. C’est en quelque sorte cela, le phasing. J’ai également fait cela, mais j’ai principalement appliqué l’idée du phasing au polymère et à la création. Presque toute ma musique publiée est dans ce que j’appelle un polymère complexe, ce qui signifie qu’elle n’est pas en quatre, pas en cinq, pas en sept, pas en onze temps, mais en tout cela simultanément. Je suis probablement le seul artiste de musique électronique américain à avoir tenté ça. C’est par mon étude de la musique électronique que j’ai commencé à faire ça, vers 1994. Je pense ainsi qu’il est juste de dire que je suis le pionnier d’une dance music électronique complexe. La plupart des artistes qui font de la musique électronique travaille avec des rythmes à quatre temps, hérité du disco. Le rythme disco, populaire dès la fin des années 1970 est aujourd’hui omniprésent, au point qu’il y a une sorte de stagnation dans le monde de la musique électronique, à laquelle j’ai répondu avec ma musique. Nous devons sortir de cette stagnation. Je ne suis pas convaincu que cette sortie sera le fait des artistes habituels. Ce n’est généralement pas le cas. Comme vous le savez, la plupart des révolutions artistiques partent de la périphérie. Je soupçonne qu’il y aura prochainement un nouveau rythme, une nouvelle harmonie, une toute nouvelle approche de la musique. Et j’espère y contribuer.

A. B. : Comment conciliez-vous votre côté scientifique et votre côté artistique ?

C. K. : Eh bien, ils coexistent. J’aime dire que ce que j’ai appris en étudiant David Lynch, c’est que l’irrationnel a un rôle important à jouer dans l’art. En science, c’est le contraire. En science, nous nous efforçons d’être le plus possible rationnels. L’activité scientifique consiste en des explications prédictives de phénomènes. C’est tout, rien de plus, mais rien de moins non plus. Et ce, dans la mesure où les scientifiques donnent des explications plus prédictives de la réalité. Puis au fil du temps, nous progressons et nous formons une version plus cohérente, réaliste et prévisible de notre univers. Voilà l’édifice scientifique, et il est en mouvement depuis des milliers d’années, même si, bien sûr, il a progressé considérablement au cours des cent dernières années. Il y a donc un côté rationnel et, de l’autre côté, l’irrationnel du comportement humain qui englobe la poésie, l’art, la musique, la danse et bien d’autres choses qui sont fondamentalement culturelles et plutôt informelles, d’un point de vue scientifique. Je pense que non seulement art et science peuvent coexister mais qu’en outre ils s’entraident. Mon point de vue est qu’il est possible d’utiliser la technologie pour rendre l’art encore plus problématique. La musique, par exemple, a évolué avec la technologie. Pour preuve, je vous mettrais au défi d’ouvrir un piano, de regarder à l’intérieur et de me dire que ce n’est pas de la technologie. La vérité, bien sûr, est que vous n’auriez même pas pu fabriquer ce piano bien avant le dix-neuvième siècle, même avec un certain degré de précision. Et il en va de même pour les cuivres, par exemple. La technologie utilisée pour les cuivres n’a pas été développée à l’origine pour eux. Elle a été développée pour les machines à vapeur au xviiie siècle, impliquant dans leur fabrication, la physique, les mathématiques et l’ingénierie qui permettaient de garantir leur bonne conception. Cela a ouvert tout un territoire pour de nouveaux types d’art, en particulier la musique pour cuivres et l’orchestration classique. Les gens ont souvent l’idée que l’orchestration classique était simplement apparue, comme ça. Ce n’est tout simplement pas vrai. C’était comme n’importe quel autre grand projet technologique, ce fut un long processus de développement, ponctué d’essais et d’erreurs. Je pense donc que les gens ont inutilement peur du rôle de la technologie dans l’art, et, plus précisément, peur d’inviter les ordinateurs et l’intelligence artificielle dans l’espace de la création. Je n’ai pas peur de ça. J’en ai même fait l’œuvre de ma vie. Je les considère comme des partenaires. Je peux faire des choses qu’ils ne peuvent pas faire, mais ils ne peuvent pas faire beaucoup de choses que je ne peux pas faire moi-même. Donc, ensemble, nous sommes capables de faire plus, en interagissant. L’idée fondamentale est de changer le monde.

A. B. : Quand je vous entends, je me souviens de ces mouvements comme Dada ou le Situationnisme, qui partageaient cette volonté de changer le monde, bien au-delà de l’art, engageant tous les autres domaines, politique, économique, scientifique.

C. K. : Je pense que tu as raison. Il y a un effort considérable à faire pour insister sur la nature urgente du problème qui se pose actuellement à l’humanité. L’humanité est confrontée à ce que l’on pourrait appeler une crise existentielle grave. Selon les travaux de nombreux planétologues, je pense à l’un en particulier, “Earth in Human Hands”, de David Grinspoon, il est probable que l’intelligence puisse évoluer sur n’importe quelle autre planète dans l’univers. Si on étudie les équations de Drake, par exemple, ce que l’on apprend, c’est que c’est une certitude que l’intelligence puisse se manifester n’importe où. Malheureusement, ce que l’on apprend aussi, c’est que, quand cela se produit, c’est seulement pour un moment relativement bref car, comme l’a écrit le grand biologiste Edward O. Wilson, dans « Life Studying Ants », l’intelligence a tendance à s’étouffer elle-même. Dès lors qu’une forme de vie devient suffisamment intelligente, par exemple pour envoyer des signaux sur de grandes distances, elle est déjà sur le point de s’annihiler. Tout se passe comme dans une sorte de fête où se consumeraient toutes les ressources, à la manière de ce que les traders appellent une « exubérance irrationnelle ». C’est nous en ce moment. Nous en sommes à ce stade que les planétologues désignent sous le nom de « bottleneck », le « goulot de la bouteille ». Nous sommes dans le « bottleneck », et le problème, bien sûr, c’est que nos chances de le traverser et de perdurer en tant qu’espèce ne sont vraiment pas très bonnes. Notre survie à long terme n’est possible que si nous en faisons notre priorité la plus haute, et ce n’est pas le cas. C’est difficile d’imaginer cette survie, particulièrement en ce moment, car nous sommes très fragmentés. En outre, que la moitié de la population mondiale croit littéralement parler à Dieu ou que Dieu s’intéresse à elle et s’inquiète même de sa vie quotidienne, cela n’arrange rien. Il faudrait expliquer à cette moitié de la population la véritable nature de notre réalité, à savoir que nous sommes des êtres à l’existence précaire à la surface d’un gros morceau de roche filant dans l’espace à une vitesse qui dépasse l’entendement, dans un univers totalement indifférent à notre destin. Et cela va être difficile à expliquer à des gens qui délirent leur situation dans l’univers. Ce n’est qu’une partie du problème. Le problème plus grave que nous avons à résoudre, et que les scientifiques ont aussi du mal à expliquer aux gens, c’est que la moitié de la population mondiale vit avec moins de 10 euros par jour. Presque un tiers de la population mondiale, qui approche les huit milliards et atteindra bientôt les dix, dort affamée chaque nuit. Et ce qui se passe avec les réfugiés n’est que le début d’une immense crise à venir, qui touchera violemment des pays entiers d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud dans des proportions inimaginables, entrainant des conflits, des désordres inouïs. Ce n’est pas juste qu’ils n’ont pas reçu une bonne éducation, ce n’est pas juste qu’ils sont, comme vous par exemple, capables de penser de manière critique. Ils ont peut-être souffert de déficiences alimentaires, ils ont peut-être souffert de dégâts mentaux de ne pas avoir assez de nourriture. Dans cette situation, il est très difficile de persuader les gens de nourrir un intérêt pour la survie de l’humanité, car leur principale difficulté, tous les jours, c’est simplement de trouver assez de nourriture pour eux et leur famille. C’est cela, le « bottleneck ». Ce n’est pas seulement que nous consommons trop de ressources naturelles, à savoir autour de l’équivalent d’une fois et demi la Terre par jour – et ce sont les pays développés qui consomment à un rythme fantastique. C’est aussi que d’autres parties de la Terre sont complètement négligées et que les gens sont laissés à leur sort, c’est-à-dire la survie, sans éducation, sans respect de leurs droits civils. C’est un problème extrêmement grave, et l’art a un rôle important à jouer. Pour revenir à Guy Debord, je pense qu’il est correct de dire que l’art et la culture peuvent atteindre plus efficacement les gens sur l’urgence de ces problèmes que le discours scientifique ou les médias.

A. B. : C’était la motivation de votre dernier album,“Apologize to the Future”, n’est-ce pas ?

C. K. : Exactement. J’ai senti que c’était trop tard pour simplement dire la vérité aux gens, que l’humour noir ou sardonique de mon travail passé ne pouvait plus être de mise, n’était plus du tout adéquat. Quand tu assistes à une tragédie, il n’est plus possible de faire des blagues. C’est une position compliquée, qui impose la nuance. D’un côté, j’aimerais être libre de faire de l’art sans message politique et passer le reste de ma vie à explorer les différentes possibilités de collaborer avec des machines. Il m’arrive d’imaginer mon esprit démarrant dans une machine, ou des choses de ce genre. Mais malheureusement, ce n’est pas l’urgence à laquelle nous sommes confrontés. Je repense souvent à cette réflexion du paléontologue Peter Ward, formulée dans son livre “Under a Green Sky”, que je recommande vraiment. Il y écrit que nous ne devrions pas nous inquiéter de nous échapper vers d’autres planètes, car nous allons être bientôt trop occupés à déplacer nos aéroports, à cause de la montée rapide des eaux. C’est la réalité que la plupart des gens n’entendent pas, qui n’a plus rien d’hypothétique. Il y a vingt ans, quand a été fondée l’Eglise de l’Euthanasie – fondation à but non lucratif dévouée à la restauration de l’équilibre entre les humains et les autres espèces non-humaines, grâce à la réduction volontaire de la population – on parlait alors déjà de ce genre de choses. On nous accusait de pessimisme, prétextant que ce scénario était hypothétique et que nous avions peut-être tort. Plus personne ne le dit aujourd’hui. C’est un problème que l’art peut affronter. Peut-être que je peux montrer à travers mon art que ce n’est pas seulement dans notre intérêt de commencer à penser à l’avenir de manière plus rationnelle, et responsable, mais que c’est aussi plus éthique, avant que nous soyons complètement fucked up. L’humanité est sommée de vivre, d’une manière ou d’une autre, avec des limites. Le but que doivent se fixer les nations est de maintenir la Terre habitable. Et c’est ce que j’essaye de transmettre par le biais de mes œuvres, visuelles ou musicales. Il y a urgence absolue : quoi qu’en pensent les milliardaires comme Elon Musk ou Jeff Bezos, tous ces Pharaons modernes, nous n’allons nulle part, il n’y a pas d’échappatoire, pas de salut, ni aucun plan B. Pour qu’il y ait un putain de futur, nous devons nous battre contre tout ce qui nous fait croire le contraire. C’est encore possible.

A. B.
Chris Korda, « More than Four », Chapelle xiv Music
Site officiel : https://www.chriskorda.com
Church of Euthanasia : https://www.churchofeuthanasia.org

1 – L’interview en anglais lors de Egon.a : https://vimeo.com/scms/lapoignee

2 – Contexte : possibilité de se déplacer avec une attestation de travail. Extension du couvre feu à toute la France.

3 – Theodore Kaczynski dit Unabomber, mathématicien et terrosiste américain.

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